Carlos Fuentes, écrivain et ancien professeur de littérature à Harvard, vit entre Londres et le Mexique. Ses chroniques Contre Bush sont aujourd’hui traduites et publiées en France. A cette occasion le Monde a publié, le 22 octobre, une interview de ce jeune homme de 75 ans.
A propos de George Bush, Carlos Fuentes ne fait pas dans la nuance : "bête", "pervers", "aveugle"- entre autres adjectifs peu flatteurs. Il le compare à "un cow-boy" buté, à "une marionnette" erratique, à "un crabe qui suit son sentier réactionnaire, tête baissée et à reculons". Il dénonce son "chauvinisme primaire", son "arrogance démesurée", son "patriotisme impérial". Caricatural ? "Non, pas du tout. Il suffit de l'écouter, d'entendre la pauvreté de son vocabulaire. Il répète quelques platitudes, quelques phrases apprises par cœur. Monsieur Bush, ce n'est pas un être pensant".
Carlos Fuentes ne reconnaît pas - ce qui l'attriste - l'Amérique admirée et aimée, meurtrie par le 11-Septembre, mais aujourd'hui dévoyée à ses yeux par l'administration Bush, "avec ce bonhomme encerclé par un groupe de paléotrotskistes convertis au néoconservatisme (la brigade Wolfowitz)" et désireux d'imposer "l'empire mondial nord-américain". Il fustige la guerre en Irak, "illégale, immorale, illégitime", voulue par "Bush et ses sbires" qui ont "menti au monde entier". Il fulmine à l'idée que ce président mal élu, dont l'équipe, dominée par les "pétroliers" texans, "dégage une forte odeur d'essence", ait laissé s'installer au pouvoir les intérêts les plus réactionnaires avec la bénédiction de "l'extrême droite fondamentaliste".
Ce qui consterne l'auteur du Vieux Gringo, c'est de voir que, sous Bush, l'Amérique soit devenue orgueilleuse et manichéenne, une "hyperpuissance incompétente", incapable, tel Frankenstein, de contrôler les monstres qu'elle avait naguère protégés -"le tyran Saddam Hussein", "l'odieux Ben Laden". Avec à leur tête des hommes comme Donald Rumsfeld, "le Dracula du Pentagone", les Etats-Unis ont discrédité, dans la sanglante équipée irakienne, la lutte légitime contre le terrorisme. "Ce combat de longue haleine, peut-être sans fin, exige de s'attaquer à toutes les causes de conflit : l'injustice, la misère, l'ignorance, l'isolement culturel et religieux." Il va sans dire que Carlos Fuentes espère la victoire de John Kerry. "J'aimerais qu'à peine élu, il renoue le dialogue avec l'Europe et lui propose de rechercher ensemble le chemin vers la paix."
Contre Bush, traduit de l'espagnol (Mexique) par Svetlana Doubin, éd. Gallimard, 218 p., 16,90 €.
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