Les signes actuels de délitement de l'Europe nous inquiétent car un affaiblissement de l'Europe ne peut qu'aggraver la crise profonde que traverse notre pays. Nous devons désormais dépasser le clivage créé par notre divergence d'appréciation sur le Traité et voir ce qui est encore possible pour que l'Europe corresponde davantage à ce que les citoyens attendent d'elle.
Comme l'affirme Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, "il existe un chemin de crête européen qu’on doit désigner sous peine de tomber dans l’apathie du découragement. Après tout, si l’on en croit leur discours, beaucoup d’électeurs des deux camps recherchent, par des moyens opposés, le même but. C’est de là qu’il faut partir.
Il faut prendre au mot les partisans du «oui de gauche» et ceux du «non européen». Ces deux expressions, on le sait, apparaissent comme des contradictions dans les termes aux yeux du camp d’en face. Les nonistes tiennent le «oui de gauche» pour un ralliement camouflé au libéralisme; les ouistes pensent que le «non européen» cache une conversion subreptice au souverainisme. Si les deux ont raison, c’en est fait de la gauche et de l’Europe. Il n’y aura ni changement politique en France ni relance de la construction européenne. Sarkozy triomphera en France et Tony Blair en Europe.
Il y a fort heureusement une autre voie, que les ricaneurs jugeront trop optimiste mais qui, pourtant, est la seule praticable : le rassemblement des pro-européens au-delà du oui et du non. (...) Le «oui de gauche» et le «non européen» ont une base d’accord. Les uns et les autres veulent une Europe plus sociale. Autour de cet objectif simple une convergence est possible encore aujourd'hui.
Il y a un an, Le Nouvel Obs réunissait quelque mille personnes pour discuter longuement d'un projet de "traité social européen" (1) que ses promoteurs, Michel Rocard, Pierre Larrouturou et bien d'autres, proposaient d'adjoindre au traité constitutionnel. A l'époque les sceptiques avaient pris cette initiative pour une entreprise sympathique mais irréaliste. On voit aujourd'hui ce qu'il en coûte.
Un tel ajout social (-s'il avait été accepté par nos partenaires européens-) aurait désarmé dans la campagne une bonne partie des arguments du non. José Bové, Jacques Delors ou encore Susan George, animatrice d'Attac, avaient soutenu le texte. Pourquoi cette convergence serait-elle aujourd'hui impossible ? Autour d'un projet de cette nature, donner à l'Europe des objectifs sociaux en plus des objectifs monétaires et financiers existants, les pro-européens de gauche peuvent encore se retrouver. Qu'ils aient voté oui ou non. "
(1) Le texte est de nouveau en circulation. Il sera présenté par ses auteurs à Jean-Claude Juncker, président du Conseil européen, à la veille du sommet européen des chefs d'Etat qui examinera la situation nouvelle de l'Union. Pour le lire, pour le soutenir : www.europesociale.net