La municipalité a organisé le 29 juillet à 19 heures une cérémonie à la mémoire de Jaurès, devant sa stèle, rue Jean Jaurès à Puteaux.
Il s'agit d'une tradition instaurée par les socialistes en 1959 et que Charles Ceccaldi-Raynaud (ancien membre de la SFIO) a voulu perpétuer.
Pour éviter les manifestations dénonçant une tentative de récupération et parfois bruyantes (concerts de casserole...), le maire a dû cependant renoncer à faire un discours lors de cette cérémonie et, suite à un accord avec l'opposition, on se contente désormais de lire un texte de Jean Jaurès.
Joëlle Ceccaldi-Raynaud a souligné lors du conseil municipal du 28 juillet que la municipalité souhaite "honorer le républicain et non le socialiste". En conséquence, nous ne nous sentons pas concernés par cette célébration qui nie l'essentiel de sa pensée : Socialisme et République étant chez lui indissociables.
Hier, devait être lu un extrait du Discours à la jeunesse prononcé au lycée d' Albi en 1903.
Lorsqu'il prononce ce discours, Jaurès est député du Tarn, où il a reconquis définitivement le siège de Carmaux, et c’est aux enfants de ceux qui, de 1881 à 1883, ont été ses premiers élèves de philosophie, qu’il fait confidence de sa “haute espérance socialiste”.
C'est le militant auquel la vie publique et les multiples luttes qu’il a été amené à diriger, ont appris, comme il l’a dit lui même, "la nécessité du combat", qui s’adresse certes, avec discrétion, mais aussi avec toute la flamme qui l’habite, aux lycéens d’Albi.
(...) Le courage, aujourd’hui, ce n’est pas de maintenir sur le monde la sombre nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante, dont on peut toujours se flatter qu’elle éclatera sur d’autres. Le courage, ce n’est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison, peut résoudre ; car le courage est l’exaltation de l’homme, et ceci en est l’abdication.
Le courage pour vous tous, courage de toutes les heures, c’est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre, physiques et morales, que prodigue la vie. Le courage, c’est de ne pas livrer sa volonté au hasard des impressions et des forces ; c’est de garder dans les lassitudes inévitables l’habitude du travail et de l’action.
Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c’est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu’il soit ; c’est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c’est de devenir, autant qu’on le peut, un technicien accompli ; c’est d’accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l’action utile, et cependant de ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendues.
Le courage, c’est d’être tout ensemble, et quel que soit le métier, un praticien et un philosophe. Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le courage, c’est de surveiller exactement sa machine à filer ou à tisser, pour qu’aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs libérés.
Le courage, c’est d’accepter les conditions nouvelles que la vie fait à la science et à l’art, d’accueillir, d’explorer la complexité presque infinie des faits et des détails, et cependant d’éclairer cette réalité énorme et confuse par des idées générales, de l’organiser et de la soulever par la beauté sacrée des formes et des rythmes. Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir, mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin.
Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense.
Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.
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