La crise alimentaire qui touche aujourd'hui les pays du Sahel et notamment le Niger ne peut uniquement s'expliquer par les mauvaises récoltes de 2004. Jean-Hervé Jezequel, chercheur en sciences sociales, a passé deux semaines au Niger. Il pointe la responsabilité des principaux bailleurs de fonds (France, Union Européenne...), des institutions onusiennes (PAM, FAO...) et de l'Etat nigérien.
" Début juin, le gouvernement du Niger a déclaré que, malgré la gravité de la crise alimentaire, il n'organiserait aucune opération de distribution gratuite. Du côté des bailleurs, la seule réaction politique à cette déclaration est venue de l'ambassadeur de France qui s'est félicité d'une "politique qui ne déstabilise pas les marchés".
L'ambiance était presque surréelle : faisant fi de la situation d'urgence alimentaire, le sort des populations en danger était tranquillement subordonné à des impératifs de respect du jeu économique. Comble de l'ironie, ce marché est déjà complètement déstabilisé par les grands spéculateurs dont beaucoup sont étroitement liés au pouvoir en place."
On peut aujourd'hui constater les résultats de cette logique sans pitié sur les visages émaciés et les corps décharnés des quelque 1.200 enfants admis chaque semaine dans les centres de nutrition de Médecins Sans Frontières dans les régions de Maradi et de Tahoua. Depuis le mois de janvier, les équipes médicales ont soigné près de 16.000 enfants souffrant de malnutrition sévère.
Photo : Centre nutritionnel d'Aguié, mardi 12 juillet