Martine Aubry a été élue Première secrétaire du Parti socialiste, à l’issue du Conseil national du 25 novembre. Pour son premier discours comme première des militantes, la maire de Lille a fixé une feuille de route collective : rassemblement et renouvellement profond, dans une ligne politique clairement ancrée à gauche. Voici l’intégralité de son discours.
Chers camarades, mon premier mot est : merci.
Le second va immédiatement à Ségolène pour lui dire : ensemble, on va gagner pour les Français. J’en suis convaincue.
C’est bien sûr avec beaucoup d’émotion et de gravité que je reçois la responsabilité que vous me confiez aujourd’hui. Je pense d’abord aux femmes. Aux femmes qui se sont battues avant nous pour qu’existe une parité en politique : après que Ségolène a été la première femme en France portée jusqu’au second tour de l’élection présidentielle, je suis fière, au nom de toutes celles qui se sont battues, d’être la première femme Première secrétaire du Parti socialiste.
C’est une responsabilité lourde, et je ne peux l’accepter que parce que vous êtes là, vous les quelque 200 000 militants du Parti socialiste.
Cette responsabilité de Premier secrétaire a été tenue par des hommes exceptionnels, François Mitterrand, Pierre Mauroy - que chacun comprendra que je salue particulièrement -, Lionel Jospin, Michel Rocard, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli aussi et bien sûr toi, François, à qui je pense tout particulièrement ce soir.
Je voudrais d’abord m’adresser aux militants. Aux militants parce que,
dans ce congrès, jour après jour, soir après soir, j’en ai rencontré
beaucoup. Tous ont défendu ce qu’ils croient profondément. Ils l’ont
fait par fidélité aux valeurs du socialisme et parce qu’ils avaient la
conviction que leurs réformes étaient les bonnes pour notre Parti et
pour les Français.
Je crois que nos débats et nos échanges ont été à la hauteur de ce qu’est notre Parti : un immense parti démocratique.
Alors, on peut rire, on peut se moquer de nos débats, de nos
discussions, mais j’ai envie de dire à la droite : riez encore quelques
jours car dès la semaine prochaine, le Parti socialiste est de retour
dans les rues, avec des propositions. Et uni !
Je voudrais dire à tous les militants : bravo pour ce travail. Je
voudrais dire à Ségolène et à ses amis - dont je comprends aujourd’hui
la déception tout à fait naturelle - que tous, nous avons tous défendu
ce que nous croyons juste.
Je crois que si nous voulons changer ce parti, il faut d’abord accepter
que nous puissions penser différemment, en nous respectant et j’irai
même plus loin, penser différemment en nous faisant confiance. En
s’accordant mutuellement le crédit qu’en chacun d’entre nous, réside un
seul souci, servir les Français et pour servir les Français : servir le
Parti socialiste.
Si nous arrivons dans les jours, dans les mois qui viennent, à donner
des signes concrets de cette unité du Parti et de l’ensemble des
militants, le congrès de Reims restera comme un congrès utile. Il aura
permis à notre parti de changer profondément à un moment où le monde a
changé et où les militants nous l’ont demandé, comme ils nous ont
demandé de nous renouveler.
Voilà l’état d’esprit qui est le mien.
Les conditions dans lesquelles le vote a eu lieu et les résultats
extrêmement serrés qui en découlent ne me donnent que des devoirs. Le
premier est, si elle l’accepte, de rencontrer Ségolène. J’ai entendu,
comme elle, ce que nous ont dit les militants à Reims et derrière les
militants ce que nous ont dit les Français : « Nous voulons retrouver
la politique et la gauche, nous voulons un Parti socialiste qui nous
défende alors que nous n’avons même plus le courage de nous battre.
Trop souvent nous avons l’impression que nos voix ne sont plus
entendues par les pouvoirs en place. » Oui, nous allons revenir avec
les valeurs qui sont les nôtres, mais aussi avec les réponses
d’aujourd’hui, ce qui nécessite beaucoup de travail.
Les militants nous ont dit aussi : « Il faut renouveler profondément le
Parti socialiste, ses pratiques, son fonctionnement. » (…)
Notre prochain Conseil national aura lieu le samedi 6 décembre. Une
orientation politique et une majorité ont été dessinées lors du
congrès.
Cette ligne politique, ancrée à gauche, nous impose d’être sur
tous les terrains pour défendre les Français ; ceux qui sont inquiets
devant les licenciements à venir, pour défendre les Français qui
perdent en pouvoir d’achat, pour défendre les services publics qui sont
le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, pour être capable dès le
week-end prochain d’être auprès de nos camarades des partis socialistes
et sociaux-démocrates européens pour changer l’Europe.
Il devra y avoir dans les équipes que nous allons constituer des
changements profonds. Il faut renverser la table : bien sûr de nouveaux
visages, des hommes et des femmes de tous les territoires et de toutes
les cultures aux couleurs de la France, une parité absolue dans toutes
nos instances ; mais il nous faut aussi changer nos attitudes, nos
comportements. Il faut nous rouvrir sur la société, accueillir, écouter
des hommes et des femmes qui ont envie de construire un projet de
gauche face à cette loi du plus fort que nous impose le libéralisme,
face à cette puissance du financier par rapport à l’économie, face à
ces inégalités qui s’accroissent dans notre pays et dans le monde.
Il faut faire appel à eux, il faut leur dire : « Le Parti socialiste est à nouveau ouvert pour travailler avec vous ».
Mon devoir, dans les heures qui viennent, est de faire en sorte que, sur un cap choisi par les militants au congrès, nous soyons capables d’être unis dans un mode de fonctionnement que je vous proposerai, où les élus trouveront toute leur place. Car rien n’est plus étonnant aujourd’hui de voir combien les Français nous font confiance, là où nous sommes, et parfois même nous plébiscitent dans nos villes, dans nos départements et dans nos régions et de constater que nous n’utilisons pas cette force extraordinaire des élus et des militants pour construire le projet de demain. Là aussi, il faudra que cela change.
Nous avons aussi des députés et des sénateurs qui s’opposent aux lois de Sarkozy et aux amendements qui arrivent nuitamment, comme encore dernièrement, pour pousser la retraite à 70 ans. Ces mauvais coups-là, nous devons les affronter ensemble, parlementaires et Parti. Il faut que nous débattions avec les présidents des deux groupes parlementaires, il faut que nous soyons unis pour combattre la droite, mais aussi pour contre-proposer car c’est aussi cela qu’attendent les Français.
Tous les jours on nous annonce un cadeau fiscal pour les plus riches,
tous les jours nous apprenons un recul dans le domaine social, que ce
soit à la Poste, dans l’audiovisuel, le développement du contrat à
durée déterminée… Dans nos collectivités locales nous luttons souvent
isolément pour amortir ces attaques de la droite, nous devrons
désormais le faire ensemble au sein de notre Parti pour démultiplier
nos forces.
Nous avons donc le devoir d’être ensemble. La situation l’exige et nous
avons le devoir de nous mettre au travail pour être, dans deux ans,
capables de fournir le projet qui permettra à celui ou à celle qui
alors sera choisi, de représenter nos couleurs.
Je veux le dire simplement, je veux une équipe unie où toutes les
sensibilités se sentent bien. L’équipe unie ne veut pas dire que l’on
oublie ses fidélités, je ne demande à personne d’abdiquer ce qu’il est,
ce à quoi il croit, la personne à laquelle il est attaché. C’est cela
aussi la politique des liens d’affection, de fidélité qui se nouent. Ce
que je demande à chacun c’est de dire d’abord : nous sommes tous
socialistes nous voulons porter en avant notre parti pour que les
Français, à nouveau, retrouvent l’espoir.
Nous avons une feuille de route collective à mettre en place dès demain : rassemblement, renouvellement profond, et travail.
Nous allons le faire, ensemble, pour incarner à nouveau l’espoir. Nous
devrons nous dépenser sans compter. Je sais qu’il faudra beaucoup de
courage et de ténacité mais je sais que chacun d’entre vous pense
actuellement aux militants et aux Français qui, depuis quelques jours,
observent ce qui se passe dans notre parti et se lamentent.
C’est en pensant à eux et en pensant à tous les militants que je dis : rassemblons-nous, unissons-nous autour d’une ligne de gauche, celle que nous avons voulue lors de notre congrès, mais aussi autour d’un profond renouvellement qui fera que le Parti socialiste, si j’osais, soit le nouveau Parti socialiste : Qu’il garde l’essentiel, les valeurs de solidarité, d’égalité et de fraternité qu’il a toujours défendues.