Déchu de la présidence de la fédération UMP des Hauts-de-Seine, lundi 15 novembre, M. Devedjian a préparé des petites fiches pour ne rien oublier de l'enchaînement des faits qui ont conduit à son humiliante défaite.
De son récit, il ressort que le président de la République et ses conseillers seraient intervenus directement pour l'évincer.
"Je ne doute pas que pour me faire battre à la présidence du conseil général, ils utilisent la même méthode qu'aujourd'hui",
affirme- t- il.
Voir ci-dessous l'article du Monde qui a fait hier l'effet d'une mini-bombe tant les petites manoeuvres politiciennes sont rarement à ce point étalées au grand jour.
M. Devedjian, ancien ministre de la relance et encore président du conseil général des Hauts de Seine, conclut : "Les divisions et les querelles de la majorité ont un effet désastreux sur notre électorat et peuvent un jour nous faire perdre ce département." ...
A noter que lors des dernières régionales, la liste de Jean-Paul Huchon y avait obtenu plus de voix que celle de Valérie Pécresse...
M. Devedjian raconte sa défaite dans les Hauts-de Seine - LE MONDE | 19.11.10 | 12h48
Un an après la tentative avortée de Jean Sarkozy de se faire élire à la tête de l'EPAD (Etablissement public pour l'aménagement de la Défense), la droite des Hauts-de-Seine est à nouveau à couteaux tirés. Libéré du devoir de réserve depuis qu'il n'est plus au gouvernement, l'ex-ministre de la relance Patrick Devedjian raconte par le menu "la campagne forte" dont il s'estime victime.
Déchu de la présidence de la fédération UMP des Hauts-de-Seine, lundi 15 novembre, M. Devedjian a préparé des petites fiches pour ne rien oublier de l'enchaînement des faits qui ont conduit à son humiliante défaite. De son récit, il ressort que le président de la République et ses conseillers seraient intervenus directement pour l'évincer. "Je ne doute pas que pour me faire battre à la présidence du conseil général, ils utilisent la même méthode qu'aujourd'hui", affirme- t- il
N'êtes-vous pas un peu amer d'avoir été sorti du gouvernement ?
Patrick Devedjian : Non, j'ai accompli ma mission et tout le monde a reconnu que c'était un succès. Je n'étais demandeur de rien. Quand au remaniement, je le juge positivement. Le président s'est gardé de vouloir faire uniquement un casting. Il a envoyé un message fort à notre électorat sur sa volonté de poursuivre les réformes. Vous n'avez pas été renouvelé à la fonction de président de la fédération UMP des Hauts-de-Seine.
Comment expliquez-vous votre défaite ? Je vais vous raconter la véritable histoire. Le 15 octobre, j'ai été convoqué en urgence par Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Il s'est ému que cinq candidats se présentent contre son fils Jean aux élections internes de l'UMP à Neuilly. Il m'en a rendu responsable. J'ai dit que c'était faux. Il ne m'a pas cru et, très mécontent, m'a dit que j'aurais bientôt "une surprise". Quelque temps après, j'ai appris qu'Olivier Biancarelli, attaché parlementaire de l'Elysée, et Eric Cesari, directeur général de l'UMP, téléphonaient aux principaux responsables politiques des Hauts-de-Seine pour leur dire de voter pour Jean-Jacques Guillet [député et maire de Chaville] qui venait –oh surprise!– de se déclarer candidat contre moi à la présidence de la fédération.
Avez-vous du coup hésité à vous représenter ? Non. Mais j'ai bien intégré que la campagne orchestrée contre moi serait forte. Philippe Pemezec, secrétaire départemental de l'UMP et responsable du scrutin, n'a cessé de violer son devoir de neutralité en appelant les uns et les autres pour leur dire que l'Elysée voulait qu'ils votent pour Jean-Jacques Guillet. Le point culminant a été le 10 novembre quand Pierre-Christophe Baguet, député et maire de Boulogne-Billancourt, m'a appelé à 23h30, interloqué, pour me dire que le président de la République lui-même venait de lui demander, par téléphone, de donner "un coup de pouce" à Guillet. Baguet avait déjeuné la veille avec Jean et lui avait dit qu'il me soutenait… Il s'est exécuté en réunissant ses élus une heure avant le scrutin pour leur demander de voter Guillet. Plusieurs élus m'ont ensuite simplement dit n'avoir "pu voter pour toi car ça se serait su".
Comment aurait-on pu savoir ? Le soir du vote, M.Pemezec a fait installer une urne pour chacune des 13 circonscriptions UMP qui composent la fédération. Lors du dépouillement, il était facile de vérifier où la consigne de faire voter pour Guillet n'était pas respectée. Cette façon de procéder est une anomalie. J'ai alerté le sénateur Patrice Gélard (Seine-Maritime), chargé du contrôle des opérations électorales au siège de l'UMP, qui m'a confirmé que le vote ne devait pas se faire comme cela mais globalement. Par la suite il m'a envoyé un courrier disant le contraire…
Et ce jour-là, comment s'est déroulé le scrutin ? Les électeurs étaient accueillis par Patrick et Isabelle Balkany ainsi que Thierry Solère [vice-président du conseil général] qui leur demandaient pour qui ils allaient voter. S'ils disaient "pour Devedjian", ils étaient pris par le bras et emmenés vers Jean-Jacques Guillet. Ceux qui persévéraient étaient présentés à Jean Sarkozy. Jean Sarkozy a pourtant déclaré qu'il n'avait donné aucune consigne de vote. Lionnel Rainfray, élu UMP de Colombes et délégué de la première circonscription m'a rapporté qu'il avait fait directement l'objet de pressions de la part de Jean Sarkozy. Celui ci l'aurait menacé de " briser sa carrière politique" s'il votait pour moi. A l'élu qui lui demandait en quoi il était concerné puisqu'il n'était pas candidat, Jean lui aurait répondu : "Je suis plus subtil que ça !"
Auriez-vous gagné si l'Elysée ne s'en était pas mêlé ? Quand on est candidat, on prend le risque de perdre et je l'accepte. En l'occurrence, j'ai été heureusement surpris de recueillir malgré tout 180 voix.
Quel intérêt Nicolas Sarkozy aurait-il eu à vous faire perdre puisque son fils n'est pas candidat contre vous aux élections cantonales en 2011 ? J'ai écouté avec intérêt Patrick Balkany expliquer le 16 novembre sur I -Télé que Jean Sarkozy ne voulait pas prendre la présidence du Conseil général avant l'élection présidentielle. D'ici à là, a-t-il ajouté, n'importe quel conseiller général pourrait faire l'intérim à partir de mars 2011. Et je ne doute pas que pour me faire battre à la présidence du Conseil général, ils utiliseront la même méthode qu'aujourd'hui.
Comptez-vous sur le soutien de Jean Sarkozy en 2011 ? Lundi soir, il m'assurait encore qu'il était derrière moi !
Les proches de Jean Sarkozy vous reprochent de ne pas l'avoir soutenu au moment de l'affaire de l'Epad et d'avoir pris l'initiative en 2007, en tant que patron de l'UMP de présenter Jean-Christophe Fromantin, à la mairie de Neuilly. Avez-vous toujours été loyal ? C'est quand même un comble de me reprocher l'affaire de l'Epad alors qu'elle était destinée à m'éliminer ! Dans ce contexte, j'ai fait preuve d'une grande réserve. Pour ce qui est de Neuilly, personne ne peut sérieusement imaginer que le soutien de l'UMP puisse être accordé par le seul secrétaire général. J'ai suivi les directives du président de la République. Et aujourd'hui, je condamne la candidature du maire de Neuilly aux prochaines cantonales contre l'élue UMP sortante, Marie-Cécile Ménard.
Quelles conclusions tirez-vous de votre défaite ? Je suis inquiet. Les divisions et les querelles de la majorité ont un effet désastreux sur notre électorat et peuvent un jour nous faire perdre ce département. Prenons garde à ne pas nous retrouver comme à Paris.
Restez-vous fidèle à Nicolas Sarkozy ? Je suis admiratif de ses réformes mais comme la plupart des Français, je suis un peu plus réservé sur le style. Il est notre meilleur candidat pour 2012.
Propos recueillis par Béatrice Jérôme - Article paru dans l'édition du 20.11.10